EH Kom : “Nous avons senti un grand soutien de la part de certains acteurs du monde coopératif et de l'économie sociale et solidaire”

06/07/2022

Cela fait un mois et demi que nous avons présenté EH Kom en public. Nous nous sommes entretenus avec Beñat Azkargorta, responsable du projet, pour en savoir davantage et connaitre leurs intentions futures.

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Commençons par expliquer brièvement ce qu'est EH Kom.

EH Kom est un projet soutenu par Udabiltza, Izarkom et Hiritik At, qui a pour objectif de développer des infrastructures de télécommunication libres au Pays Basque. Notre rôle sera de créer et gérer ces réseaux de télécommunications et d'en assurer la maintenance. Cependant, comme nous n'en assumerons pas l'exploitation, le service et la relation directe aux utilisateurs relèvera des opérateurs qui utiliseront nos infrastructures.

Des infrastructures qui seront ouvertes, libres et neutres, seront également de propriété publico-communautaire. De ce fait, tout le monde pourra les utiliser. Quant à nous, nous garantirons que ces infrastructures soient partagées dans une interaction juste entre acteurs qui les utilisent.

Nous avons également pour objectif de créer des standards technologiques non soumis à des brevets et ni à des conditions excluantes, mais aussi d'en promouvoir l'utilisation et de mettre en route des actions de partage de la connaissance collective acquise.

Depuis sa présentation publique, quel a été l'accueil réservé au projet Eh Kom ?

Nous sommes très heureux de l'accueil qui nous a été fait ; plusieurs médias nous ont demandé des entretiens afin d'expliquer le projet, sous forme de reportage ou d'article, et entre autres, suite à cela, de nombreuses communes et autres acteurs nous ont contacté pour étudier leur cas particulier.

Nous avons senti un grand soutien de la part de certains acteurs du monde coopératif et de l'économie sociale et solidaire, mais également de la part d'institutions publiques qui sont engagées dans des projets de souverainetés diverses.

Quels sont actuellement les projets en route ? Dans quelles communes ?

Actuellement nous travaillons avec plusieurs institutions locales et acteurs divers du Pays Basque. Les projets les plus avancé en ce moment sont ceux de Zaratamo, Hernani, Astigarraga, Elorrio et Oñati.

A Zaratamo et Elorrio nous réalisons des études pour l'installation de réseaux de fibre optique avec l'aide des institutions locales et des habitants.

A Astigarraga et Hernani, nous sommes en cours de déploiement d'un réseau radio à large bande passante pour la fourniture de couverture Internet dans les zones rurales, et nous en profitons également pour créer des réseaux relationnels avec les habitants de ces zones. Par exemple, l'existence de plateformes telles que Hernani Burujabe nous facilite la socialisation du projet, les actions de formation et d'animation. En parallèle, nous étudions, avec des habitants et institutions locales les possibilités pour la création d'un opérateur public, toujours avec l'idée du développement local souverain et pour que les profits du service de télécommunication reviennent à la commune.

Dans le cas d'Oñati, nous nous sommes également appuyés sur un projet déjà en cours. Ils ont déjà créé un opérateur public, Onaro, et la municipalité est très active pour la promotion d'infrastructures de télécommunication citoyennes.

Quels sont les principaux défis actuels en matière de télécommunications souveraines ?

Les télécommunications étant devenues des outils indispensables pour l'exercice des droits fondamentaux, nous considérons qu'elles relèvent de droits humains fondamentaux, et l'Organisation des Nations Unies s'est prononcée en ce sens depuis 2011.

Néanmoins, comme cela se produit dans d'autres domaines, le fait que tout le monde n'ait pas les mêmes opportunités d'information et de communication crée un déséquilibre de pouvoir entre communautés ; c'est ce que nous appelons la "fracture numérique". De manière générale, cette fracture est conditionnée par des inégalités socioéconomiques ou par l'emplacement géographique. En effet, le modèle économique actuel étant basé sur les bénéfices, dans les zones jugées non rentables, soit très souvent les milieux ruraux, les infrastructures ne sont pas acceptables. Ceci augmente le déséquilibre centre-périphérie, renforce les processus de dépeuplement, car il est désormais de plus en plus difficile de créer de l'emploi et des conditions de vie dignes s'il n'y a pas d'infrastructures dignes de ce nom.

Aussi, le premier défi est de s'attaquer à cette fracture numérique, en mettant tout en œuvre pour que tout le monde ait une égalité de chances.

D'autre part, que ce soit dans les état français ou l'espagnol, le secteur de télécommunications est contrôlé par trois ou quatre entreprises. Ceci nous rend, nous citoyens, très dépendants de ces multinationales, et les centres de décisions sont très éloignés des citoyens.

Face à cette situation, notre intention est que les citoyens basques créent leurs propres infrastructures, de nature publico-communautaire avec une gouvernance participative et locale. De plus, comme notre projet est à but non-lucratif, s'il devait y avoir des résultats positifs, ils seraient réinvestis dans la communauté ou dans la maintenance des installations.

Quels sont les projets futurs d'EH Kom ?

Nous avons identifié des défis à court, moyen et long terme.

Par exemple, à moyen terme nous avons fait le choix de nous inscrire comme coopérative européenne, et nous sommes en train de préparer les démarches. Effectivement, vue que notre projet est de nature nationale, il est très important de pouvoir intervenir sur les deux côtés de la frontière qui nous coupe ne deux, et qui nous impose deux administrations différentes.

D'autre part nous voulons renforcer la coopération avec les acteurs du Pays Basque du même secteur que le nôtre et qui sont dans une logique de souveraineté, car nous sommes convaincus qu'ainsi nous pourrons aller plus loin.

Et enfin, nous avons aussi pour objectif de grandir, mais au lieu de ne regarder que les chiffres et les résultats, nous accordons une importance particulière au processus lui-même. Autrement dit, en plus de réfléchir à "jusqu'où" nous voulons aller, nous ne perdons pas de vue "comment nous voulons y arriver".